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Tennis Blog

Une autre vision du tennis

Roland dans la boule de cristal (5/6) : Personne n'en veut, de cette decima ?

Publié le 24 Mai 2015 par PREVOST Maxime in Grands Chelems

Rafael Nadal portant "son" trophée de Roland-Garros (ici en 2014, après la finale) : une image qui semble lasser. © DR

Rafael Nadal portant "son" trophée de Roland-Garros (ici en 2014, après la finale) : une image qui semble lasser. © DR

Rafael Nadal, nonuple champion à Roland-Garros, arrive sans ses repères habituels à Paris en étant dépourvu de tout titre sur terre battue européenne en 2015. De quoi en faire, pour la plupart des commentateurs et surtout des amateurs de tennis, un outsider pour le titre Porte d'Auteuil. Pour ces derniers, ça sonne même comme une bonne nouvelle. Et c'est bien dommage.

J'AVAIS LES LARMES aux yeux et la boule au ventre lorsque j'assistais à la sortie de Nadal en 2009. Ce n'était pas tant la tristesse due à la défaite en elle-même du super-héros de la raquette, si cher aux enfants (que je suis un peu, beaucoup, resté). Après tout, c'est le sport. Il n'y a pas d'injustice sur le terrain. Seulement le résultat. Non, si les images m'inspiraient la colère, c'était de voir un roi tomber en son pays sous les sifflets de son propre peuple. Sans jamais l'avoir battu ni tyrannisé, pourtant ... Certes, les chapeaux blancs de Paris XVI n'avaient pas eu loisir de choisir leur monarque (en même temps, c'est souvent le cas avec les monarques) et, quoi que sur ocre, surface prompte à faire briller les défenseurs, ils lui auraient sûrement préféré un certain esthète Suisse au profil plus offensif et puriste – francophone, qui plus est. Plus proche de leur idéal du « beau jeu » en somme. Mais en toute honnêteté, préférences pour tel ou tel joueur, personnalité ou style mises de côté, « Rafa » méritait-il seulement le cinquième de la bronca qui lui fut réservée en fin de match contre Soderling ? Ah ! Ils vont avoir l'air malin, les siffleurs du Chatrier lorsque les finales de Grand Chelem opposeront le tout gentil Nishikori au falot Raonic, ou le ronflant Coric au béotien Thiem. Vous les regretterez, les gâteaux d'anniversaire et les Coupe des Mousquetaires de Nadal sur le court central de Roland-Garros.

CONFIANCE. Ne me faites toutefois pas dire ce que je n'ai pas écrit : Rafael Nadal est loin d'être dépourvu de fans dans le monde entier, y compris en France et pas uniquement chez les plus jeunes ou les amoureux des ensembles débardeurs/pantacourts. Le Majorquin trouvera à coup sûr son soutien dans les tribunes d'ici les prochains jours, tout comme ses groupies prêtes à pleurer avec lui en cas de dixième succès. Néanmoins, on flaire dans l'atmosphère comme un air de ras le bol quant à une nouvelle (« énième ») victoire de l'Espagnol sur sa terre sainte. Prenez garde, car cela peut toujours arriver. Au vu de la configuration actuelle du circuit professionnel et de la surface de jeu du tournoi (lente), Nadal semble, d'une part, être le seul à-même de battre le tsar Djokovic, avec qui il a rendez-vous dès les quarts de finale, à la régulière. C'est à dire lors d'un affrontement où les deux joueurs évoluent peu ou proue à leur meilleur niveau. D'autre part, le Majorquin peut tout à fait retrouver la confiance qui lui manque encore ici-même aux Internationaux de France, là où il a accumulé les victoires (66, pour une seule défaite). Son tableau n'est pas facile (non, vraiment pas, avec Dolgopolov, Almagro et Dimitrov potentiellement sur sa route avant Djoko), mais s'il y a un lieu où « Rafa » peut faire fructifier le travail de fond entamé depuis cinq mois en situation compétitive, c'est à Roland, où les matchs se jouent qui plus est au meilleur des cinq manches.

LEGENDE. Finalement, avec tout cela, l'Espagnol dispose de quelques survivances de certitudes qui lui permettent d'espérer triompher à nouveau ici, à Paris, où il est chez lui presque autant qu'à Majorque. D'accord, ça ne plairait pas à tout le monde (à un tennisman serbe connu, par exemple …), et c'est d'ailleurs tant mieux. Rien ne vaut le renouveau des sommets et la diversité des opinions parmi l'extraordinaire communauté d'adorateurs de cette magnifique scène de théâtre qu'est le court de tennis. Mais qu'il gagne ou qu'il perde cette année, Nadal a, de toute manière, d'ores et déjà écrit sa légende … Et elle force le respect. Il tire peut-être tout le temps sur son short ou abuse des vingt-cinq secondes de répit permises entre deux points. Mais vous ne verrez pas à chaque génération un joueur capable de gagner neuf fois le même Grand Chelem demeurer aussi souriant et disponible pour son public (même quand des membres de celui-ci lui tendent une casquette Roger Federer pour lui faire signer un autographe). Aussi respectueux de son sport et de tout ce qui le fait vivre (à commencer par la raquette, qu'il ne casse strictement jamais). On peut ne pas être sensible à son esprit - sportif. Mais « Rafa », au moins, a de l'esprit. Une chose est sûre. Souhaitée ou non, sa victoire ferait figure de (relative) surprise. Personnellement, cette decima, moi j'en veux bien. Vous aussi peut-être, ou peut-être pas. Mais peu importe. Ce qui compte, c'est que lui, il en veut. Ça ne fait aucun doute. Et il a déjà prouvé par le passé qu'il n'a pas besoin de nous tous.

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