Nadal en difficulté, Monfils malgré tout en plein retour

L'image du jour

Difficile de détacher une seule image forte, ou un seul match. On choisira une double image : l'élimination de Monfils, après avoir mené deux sets à zéro et loupé 4 balles de match, et l'hésitation de Nadal, qui a encore perdu la première manche, contre un adversaire moins dangereux que Brands. Le Français a perdu, mais le match était prenant, le parcours était beau, et il peut repartir de Roland, certes éreinté, mais en étant la belle image de la première semaine. Le Majorquin a gagné, mais il se fait toujours peur. Il devra monter en puissance s'il veut, à son tour, devenir la belle image de la deuxième semaine. Et surtout, la dernière ...

Ce qu'on a aimé

- La densité de la journée ; on avait pris du retard, le programme était donc alléchant, et comme la météo a été clémente, on a pu voir du beau tennis aujourd'hui. Honnêtement - mais c'est en grande partie du aux conditions jusqu'ici très mauvaises - les premiers jours de cette édition 2013 ont été plutôt fades. Il y a eu du beau jeu bien sûr, mais peu de matchs palpitants, comme il y en a souvent dans les premiers tours (la surprise de Berdych-Robert en 2011, le marathon de PHM contre Isner l'an dernier ...). Jusqu'à présent, la belle image était sans doute le parcours de Monfils, avec le choc contre Berdych (probablement le match le plus dense à ce jour). Mais ce n'est pas vraiment une grosse surprise. L'image est belle, précisément parce qu'on attendait tellement le retour au premier plan du showman français. Aujourd'hui, il n'y a pas eu de Mathieu-Isner, mais tout de même. Simon a fait un combat intéressant de 5 sets, le feuilleton Nadal continue, celui de Monfils s'est achevé assez dramatiquement mais après un beau dernier épisode ... Petit à petit, le soleil reprend des couleurs, les joueurs aussi. Et c'est tant mieux.

- Le sérieux de Tsonga et Gasquet. Comme on le dit souvent, on ne gagne pas un Grand Chelem dans les premiers tours (heureusement pour Nadal). Mais on peut le perdre en tardant trop sur les courts. Tsonga et Gasquet on encore une fois été impressionnants de maîtrise aujourd'hui, avec des victoires tranquilles en trois sets. Ils n'ont pas été flamboyants en terme de jeu, mais ils avaient le sérieux de ces top 10-top 5 qui s'économisent dans les premiers tours parce qu'ils en veulent pour la suite du tournoi. C'est aussi pour cela qu'on aime ; pour les moyens qu'ils se donnent, mais aussi pour ce que cela révèle en terme d'ambitions. On peut faire le même constat du parcours de Federer, qui a éliminé Benneteau de façon très "relax". Le Suisse avait rarement aussi bien commencé un Roland Garros. C'est de très bonne augure ...

- La hargne des papys. J'entends par là les victoires des deux Tommy, Haas et Robredo. Tommy Haas fait un retour (presque) au premier plan cette saison. Après son beau parcours à Miami qui l'a vu battre Djokovic, l'Allemand-américain a bien confirmé avec un titre à Munich et une 14ème place mondiale, à 35 ans. J'aime beaucoup ce joueur. Il a une classe certaine, sur les courts et en dehors. Et à 35 ans, c'est beau de le voir évoluer encore à ce niveau. Quant à Tommy Robredo, 31 ans, il a été magnifique de courage pour sauver 4 balles de match face à Monfils, alors que le public poussait à fond derrière le français. Il y a malgré tout quelques belles images dans ce Roland. Les jeunes s'illustrent (Dimitrov, Pouille, Paire), les Américains et Américaines retrouvent de la niaque, et les papys font de la résistance. Les deux Tommy s'étaient d'ailleurs affronté à Madrid, pour une victoire de l'Allemand, en trois manches. Le chapeau est tiré en leur honneur.

Ce qu'on a moins aimé

- Le public lors du match de Nadal. C'est une habitude du public de Roland d'être assez ingrat avec son champion. C'est d'ailleurs une manie très française de vouloir constamment la révolution sur la hiérarchie en place. Je ne suis pas du tout contre un soutien chaleureux envers les outsiders, bien au contraire. C'est aimer le sport que de soutenir celui qui est dominé pour qu'il y ait un vrai match. Mais ce n'est pas aimer ni respecter le sport que de laisser de côté ses champions. Et aujourd'hui, le public du Lenglen, qui m'avait charmé mercredi, n'a pas soutenu Klizan pour qu'il y ait match. Il l'a soutenu pour qu'il sorte le tenant du titre. D'ailleurs, le retour de Nadal n'était quasiment pas applaudi par les spectateurs. On peut ne pas aimer son jeu, on peut préférer celui de l'autre. Mais je suis certain que les 3/4 du public ne connaissaient pas Martin Klizan. Ils voulaient juste voir tomber Rafa. Alors qu'il en faut vraiment beaucoup pour offrir au public tout ce que l'Epagnol a offert ces huit dernières années. C'est bien dommage d'avoir autant de mal à reconnaître le mérite des champions (c'est peut-être aussi pour ça qu'on a tant de mal à en avoir, des champions). Et c'est typiquement français.

- La timidité de Chardy, ou les limites qu'il a affiché contre Tsonga sur le central. Depuis son quart de finale à l'Open d'Australie, avec au passage une victoire sur Juan Martin Del Potro, le Palois a beaucoup de mal à confirmer. Il est, malheureusement, trop l'homme des coups d'éclats que le véritable outsider. Aujourd'hui, contre le leader français, sur le central de Roland Garros, c'était, mentalement, une marche bien trop haute pour lui. On espère que tennistiquement, elle ne l'est pas autant.

- Le coup de gueule de Rafa. En conférence de presse, le Majorquin a pesté, nerveux et irrité, contre l'organisation du tournoi. Sa programmation d'hier, en 3ème match après un match de garçons et un match de filles, alors que celle de Fognini, son prochain adversaire, était en 2ème match après un match de filles, était pour lui, injuste. C'est une remarquable pas tellement valable, qui témoigne plus d'un agacement rare de sa part que d'une erreur de la part des organisateurs. C'est le signe que, vraiment, le Majorquin n'est pas serein dans "son" tournoi". Et on n'aime pas voir ça.

- Le tennis de Marion Bartoli, inquiétant, et c'est l'arbre un peu malade qui cache une forêt bien sombre concernant le tennis féminin français. Elle a toujours le courage, la volonté, mais elle ne semble pas avoir retrouvé son tennis. Jamais elle ne devrait avoir autant de mal à se sortir de matchs comme celui d'aujourd'hui. Peut-être que le gazon de Wimbledon lui redonnera de la fraîcheur. Pour Roland, ça risque d'être difficile.

Et maintenant ...

Rafa ne semble donc pas au mieux. Sa chance, c'est que le temps s'améliore. Les conditions vont redevenir plus sèches, plus favorables à son jeu. De plus, l'adversaire qui se profile maintenant, Fognini, est à priori moins dangereux pour lui. Pour l'instant, son parcours ressemble à celui de 2011 (5 sets contre Isner au premier tour, un deuxième tour pas très convaincant contre Andujar, puis une montée en puissance jusqu'à la victoire). Il peut pousser la similitude jusqu'au bout. Sauf que cette fois, Federer ne sera pas là pour lui éviter un affrontement face à Novak Djokovic ... C'est lui qui devra sûrement y faire face en demi-finale. Et pour l'instant, il n'est pas favori, et à mon avis il le sait. Seulement, il ne faut jamais enterrer Rafa trop tôt ...

A qui pourrait donc profiter cette faiblesse ? Pas à Fognini, vraisemblablement, mais peut-être à Benoit Paire en huitièmes, s'il parvient jusque là. Il aura un beau coup à jouer. En tout cas, ce sera un vrai teste pour les deux joueurs. Plus loin, ça pourrait bien profiter à Roger Federer ... Le Suisse est, lui aussi, convaincant comme en 2011. Cette année là, je le voyais aller en finale. Je suis à nouveau plutôt confiant. Surtout que pour la première fois, il pourrait ne pas y croiser Rafa. Mais n'allons pas trop vite.

Côté français, Tsonga m'a convaincu lui aussi. Il a un tableau favorable jusqu'en quarts où il devrait tomber face à Federer. J'imagine bien une revanche de celui de Melbourne, avec un déroulement tout aussi intéressant. La perspective est alléchante ... Le tournoi, de plus en plus prenant.